Les Rendez-vous de la bioéthique 2018
Depuis quelques années, le lieu unique programme régulièrement des rencontres autour des questions de bioéthique et, avec l’association EthicA, un grand week-end de réflexion, Question(s) d’éthique.
Dans le prolongement de ces débats et dans le cadre du Master d’éthique médicale ouvert à l’université de Nantes en 2017, porté par l’UFR Lettres et Langages et la Faculté de médecine, le lieu unique et EthicA proposent des rendez-vous réguliers avec des médecins, des philosophes, des juristes, etc. qui aborderont ces nouvelles questions liées à l’évolution de la recherche scientifique et des pratiques médicales.
Les trois conférences programmées seront présentées par Guillaume Durand, philosophe.
Entrée libre et gratuite
De l’aide à la procréation à la sélection des enfants
Conférence de Jacques Testart
8 février 2018, 18H30, Lieu unique, Nantes
L’Assistance médicale à la procréation (AMP) est née de la volonté médicale d’aider les couples stériles à concevoir un enfant. Ses propositions techniques ont stimulé de nouvelles demandes par des individus normalement fertiles (Procréation médicalement assistée – PMA ; Gestation pour autrui – GPA), ou craignant la naissance d’un enfant handicapé (Diagnostic pré-implantatoire – DPI ; don de gamètes), et favorisé les évaluations sur la “ qualité génétique ” de l’embryon. Est-ce dans ce champ d’un eugénisme nouveau, consensuel et à vocation universelle que devrait désormais se développer l’AMP ?
Après des études d’agronomie puis de biologie, Jacques Testart a réalisé des recherches à l’INRA sur la reproduction animale, en particulier la mise au point de la technologie des mères porteuses chez la vache (1972). Puis il a rejoint la clinique humaine (1977) pour des recherches sur l’ovulation et la fécondation ayant conduit à la naissance du premier “ bébé-éprouvette ” en France (1982). Directeur honoraire de recherches à l’Inserm, il a publié plus de 300 articles dans des revues scientifiques.
Ses derniers ouvrages parus : Faire des enfants demain (Seuil, 2014) ; L’humanitude au pouvoir. Comment les citoyens peuvent décider du bien commun (Seuil, 2015) ; Rêveries d’un chercheur solidaire (La Ville brûle, 2016).
http://www.lelieuunique.com/evenement/de-laide-a-la-procreation-a-la-selection-des-enfants/
Peut-on prédire la qualité de vie ? Quelle approche éthique dans la notion de pronostic ?
Conférence de Sophie Crozier
20 mars 2018, 18H30, Lieu unique, Nantes
Le pronostic est une notion particulièrement complexe. Prédiction de l’évolution de la maladie, le pronostic est depuis l’antiquité un élément central de l’action médicale. Il guide en effet la décision et permet d’informer le patient et ses proches de l’avenir possible ou probable de la maladie. Si la prédiction d’un handicap futur est difficile, celle de la qualité de vie l’est encore plus car elle doit prendre en compte de multiples facteurs, qui dépassent largement le domaine des connaissances médicales. Or l’utilisation du pronostic pour d’importantes décisions comme celle d’arrêt de traitements chez des patients victimes de graves accidents vasculaires cérébraux posent d’importantes questions éthiques qui méritent d’être discutées. Peut-on et comment pourrait-on définir un handicap inacceptable qui amènerait à penser que la vie ne vaudrait plus la peine d’être vécue ? Comment prendre des décisions médicales dans un contexte d’incertitude importante ?
Par essence incertain le pronostic amène à interroger au-delà de la pratique médicale en situation d’incertitude, notre souhait grandissant d’anticiper le futur pour mieux le maitriser.
Sophie Crozier est médecin, neurologue, dans le service des Urgences cérébrovasculaires du groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière à Paris (APHP). Elle est également titulaire d’un doctorat en éthique médicale, portant sur les questions éthiques posées par les arrêts de traitement chez des patients à risque de lourd handicap à la suite d’accidents vasculaires cérébraux graves.
Elle est par ailleurs membre du comité consultatif nation d’éthique (CCNE) depuis 2016 et coordonne la démarche éthique à l’APHP.
Que se passe-t-il dans notre cerveau quand nous portons un jugement moral ?
Conférence de Bernard Baertschi
19 avril 2018, 18H30, Lieu unique, Nantes
Est-il moralement permis de causer un dommage dans le but de faire un plus grand bien ? Par exemple, de mettre la vie d’un individu en danger afin de sauver un plus grand nombre de personnes ? La réponse n’est pas aisée à donner et les êtres humains en discutent depuis l’Antiquité, comme en témoignent les débats philosophiques. Récemment, des neuroscientifiques ont repris la question et ont utilisé l’imagerie cérébrale pour voir ce qui se passe dans notre cerveau lorsque nous sommes confrontés à ce type de dilemme. Les résultats sont surprenants et suscitent même un “ ahurissement moral ” chez les personnes qui se soumettent à l’expérience, pour reprendre une expression du neuropsychologue Jonathan Haidt.
Les recherches liées à cette question et, plus généralement, celles qui scrutent ce qui se passe en nous lorsque nous portons un jugement moral ou prenons une décision, ont un grand impact sur la compréhension de notre comportement moral. Il semblerait notamment que, contrairement à ce qu’on a généralement cru, notre psychologie morale n’est pas unifiée et que nous utilisons différents “ modules ” en fonction des situations, qui nous tiraillent parfois dans des directions contradictoires.
Bernard Baertschi a enseigné la philosophie morale et la bioéthique à la Faculté de médecine et au Département de philosophie de l’université de Genève. En Suisse, il a été membre de la Commission fédérale d’éthique pour le génie génétique non humain (CENH) et, en France, il fait partie du Comité d’éthique de l’Inserm. Il travaille actuellement sur les questions éthiques posées par les biotechnologies et les neurosciences, domaines dans lesquels il a notamment publié les ouvrages suivants : La neuroéthique (La Découverte, 2009), La vie artificielle (CENH, 2009) et L’éthique à l’écoute des neurosciences (Les Belles-Lettres, 2013).